Le christianisme des origines : Chrétiens d’Orient, 2000 ans d’histoire

Élodie Bouffard (éd.), Chrétiens d’Orient, 2000 ans d’histoire, [Paris, Tourcoing] : Gallimard, Institut du monde arabe, Musée des Beaux-Arts Eugène Leroy, 2017, 208 p., 29 €.

La relation du christianisme occidental avec celui de l’Orient touche à des sentiments mêlés. Les croisades mêmes ont vu les uns utiliser les autres pour répondre à des buts de guerre différents. Olivier Hanne le montre dans son chapitre « les croisades » (De la guerre au Moyen Âge, anthologie des écrits militaires, Bernard Giovanangeli, 2012, p 85-149).

À l’époque contemporaine encore, le lien, notamment par le biais des relations entre États, est paradoxal. Au XIXe siècle, les missionnaires rendent compte du fonctionnement des écoles où ils instruisent des chrétiens unis à Rome, mais considérés comme étant dans le plus grand dénuement intellectuel, et des chrétiens « schismatiques ».

L’exposition à l’Institut du monde arabe et son catalogue s’inscrivent dans ces relations au-delà même des pages qui y sont consacrées par Dominique Trimbur (« Les puissances européennes et les chrétiens d’Orient, XVIe – XIXe siècle », p 136-145) : au XIXe siècle, « la question de la protection des chrétiens d’Orient donne lieu à une compétition internationale » mettant en jeu Russie, France, Autriche-Hongrie, Allemagne et Grande-Bretagne. Ce jeu de rivalité est décelable aujourd’hui encore dans l’espace syrien entre Russie et Turquie.

L’exposition peut être visitée depuis le 26 septembre 2017 jusqu’au 14 janvier 2018. Elle sera ensuite déplacée à Tourcoing du 23 février au 12 juin 2018. Dans leur introduction, Élodie Bouffard et Raphaëlle Ziadé rappellent que les « Les chrétiens du monde arabe sont présents sur ce sol depuis les origines du christianisme, né au cœur de cette région » et, qu’au-delà de la diversité théologique et liturgique « les chrétiens du monde arabe sont les éléments à part entière d’un monde qu’ils ont contribué à construire ». Il s’agit là d’un thème traité notamment par le patriarche maronite Sa Béatitude le cardinal Béchara Raï, dans le Figaro du 4 avril 2015 : « Nous sommes originaires, pas minoritaires »

Le patrimoine architectural est largement traité, par exemple avec la question des pèlerinages (p 48-57) où est présenté le monastère de Saint-Syméon, près d’Alep. « Le christianisme dans la péninsule arabique » (p 58-65) permet également de toucher cette question ainsi que la partie sur le monastère de Mar Behnam (Irak), détruit par le groupe État islamique en 2015 (p 196-199).

Parmi toute la richesse iconographique et textuelle retenons deux points :

  • Le premier touche à la linguistique avec deux chapitres en particulier. « Les langues des chrétiens d’orient » (p 84-93) avec la première inscription en syriaque datant de 406. Deux pages (92-93) sont consacrées aux langues des chrétiens en Orient aujourd’hui. Ainsi, « les paroisses de rite latin implantées dans plusieurs villes comme Jérusalem, Damas, Alep, Amman, Zarqa ou encore Beyrouth célèbrent la liturgie en arabe ».

Ce chapitre donne envie d’en savoir plus, notamment sur la généalogie des alphabets, par ailleurs brièvement étudiée dans l’Histoire du mouvement littéraire dans l’Église melchite . De son côté, Christian Cannuyer traite de « la littérature médiévale chrétienne en langue arabe » (p 110-113).

  • Le second thème que nous retenons, encore une fois parmi bien d’autres, est celui de « la fresque dans les chapelles médiévales au Liban (XIIe – XIIIe s) » par Levon Nordiguian (p 102-105). En un peu plus d’un siècle, contemporain des peintures murales en Europe occidentale, ce sont un style et un répertoire iconographique appartenant aux « schémas de représentation de l’art byzantin » qui se développent. Pourtant, si la chute du comté de Tripoli en 1289 semble mettre un terme à cette expression artistique, quelles en sont les inspirations latines ? Les thèmes touchant à la Dormition (la mort et la montée au ciel du corps de la Vierge Marie) et à la Déisis (la prière pour le salut des chrétiens du Christ entouré de sa mère et de saint Jean-Baptiste) sont exécutés par des artistes locaux. Ils appartiennent à deux écoles, l’une de tradition grecque et l’autre plus locale, non sans influence de l’une sur l’autre.

Nous avons là l’exposé de toute la complexité qui tend à faire du christianisme d’Orient un patrimoine vivant et riche. Il reste à en découvrir l’exposition à l’Institut du monde arabe (Paris) jusqu’au 24 janvier 2018 puis à Tourcoing (23 février -12 juin 2018).

Luc-André Biarnais
archiviste du diocèse de Gap et d'Embrun

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