« Prendre soin ce n’est pas nécessairement rajouter des jours à la vie mais de la vie aux jours »

Élodie Lemoine, Jean-Philippe Pierron (dir.), La mort et le soin : autour de Vladimir Jankélévitch, coll. Questions de soin, Paris : Presses Universitaires de France, 2016, 180 p., 13 €.

La collection Questions de soin, présentée sur le site des Presses Universitaires de France, créée en 2012, met en lien philosophie, sociologie et médecine (avec par exemple Souffrance et douleur : autour de Paul Ricoeur, 2013, À quel soin se fier ? Conversations avec Winicott, 2015). Elle présente des essais sur des points médicaux précis, amenés par les progrès médicaux, qui concernent souvent la relation au patient (Le soin maternel, 2013, Le patient autonome, 2014). Elle en montre les implications politiques. Certains de ces ouvrages sont disponibles en format numérique, pour un prix réduit (à partir de 4,49 €).

Bien que les soins palliatifs n’existaient pas à sa parution en 1966, La Mort de Vladimir Jankélévitch éclaire ce que l’on appelle aujourd’hui la fin de vie. Il situe la question de la mort dans sa portée existentielle, métaphysique, morale et relationnelle : il met en lumière le paradoxe entre la certitude de la mort, partagée par tous les êtres humains, et l’incertitude de la date à laquelle elle surviendra. C’est dans cet espace que prennent place les soins palliatifs, durant lesquels l’équipe médicale doit s’occuper du patient et l’entourer, sans espoir de guérison, sans tomber ni dans l’abandon du malade5 ni dans l’acharnement thérapeutique, défini aujourd’hui comme une obstination déraisonnable.

Un ouvrage interdisciplinaire

La mort et le soin, placé sous la direction d’Élodie Lemoine, doctorante en philosophie, et de Jean-Philippe Pierron, professeur à l’université Jean Moulin-Lyon 3, revient en 10 contributions sur les apports de Jankélévitch pour les appliquer aux situations médicales actuelles : définir le temps de la fin de vie, l’espace de vie permis par l’incertitude de la date de la mort, les questions éthiques de l’euthanasie et de l’acharnement thérapeutique. Les relations que le patient entretient avec les soignants et son entourage sont longuement explorées : Tanguy Châtel, sociologue, parle de l’accompagnant, Pascale Vassal, médecin, traite de la relation de soin. La philosophe Agata Zielinski observe la personne mourante agir comme un miroir pour celles qui y sont confrontées.

Les contributeurs sont médecins et oncologues d’une part, sociologues et philosophes universitaires de l’autre. Cette interdisciplinarité ouvre un champ de réflexion très large. Il est toutefois regrettable qu’une bibliographie, même sommaire, ne soit pas proposée.
Il est intéressant de compléter cet ouvrage avec les écrits de Marie de Hennezel, qui analyse en profondeur l’expérience spirituelle des personnes en fin de vie et de leurs accompagnateurs. Elle rejoint ici Jean-Philippe Pierron, qui rappelle justement dans son introduction que « prendre soin ce n’est pas nécessairement rajouter des jours à la vie mais de la vie aux jours » (p. 8).

Hélène Biarnais
bibliothécaire du diocèse de Gap et d'Embrun

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