Père Pierre Amar, Hors service, Perpignan : Artège, 2019, 166 p., 12,90 €.
Qu’en est-il pour quelqu’un happé brutalement par la maladie, la douleur et la souffrance « absurde et scandaleuse » (p. 29), les longues hospitalisations et la convalescence ? Le père Pierre Amar est bien connu des internautes fréquentant le Padreblog, (https://www.padreblog.fr/) dont il est l’un des fondateurs et qui diffuse une parole en style direct et en prise sur l’actualité. Ici, pour ce prêtre de Versailles, de 45 ans, de seize années de ministère, « un peu suractif », l’actualité est son hospitalisation en urgence : péritonite aiguë, série d’opérations, et longue convalescence, et bouleversement d’une vie d’un coup, hors service. Bouleversement physique, moral et spirituel.
Cette expérience de plongée soudaine dans le monde des hôpitaux est racontée de façon réaliste et imprégnée d’humour. D’abord « Lui (le Seigneur) et moi » : « Pourquoi Dieu permet-il cela ? » Le mystère du mal et de la souffrance, Pierre Amar y descend en passant du « pourquoi ? » interminable au « comment, maintenant, ici ? », tout en regardant le Christ « homme nu et torturé à mort sur une croix » (p. 31), et en criant « Jésus, j’ai confiance en Toi ! ». Le père Pierre Amar dévore le passionnant récit Le lambeau (Gallimard, 2018) de Philippe Lançon, journaliste de Charlie Hebdo, victime de l’attentat, « révélant une énergie vitale assez admirable » (p. 29-31). Il réfléchit sur la lutte du journaliste incroyant et sur sa propre lutte, soutenue par « Jésus qui souffre avec nous » de jour et… de nuit (p. 28). Viendra la célébration des sacrements des malades, « magnifiques » sources de « grâce de réconfort, de paix, de courage » avec le Seigneur (p. 118). Et la communion quotidienne grâce à l’aumônier qui ne peut que « déposer sur ma langue quelques gouttes de vin consacré, le Sang du Christ, me voilà transfusé ! ‘christification’ progressive » (p. 101).
La deuxième partie « Eux » aborde l’entourage du malade : les soignants si hiérarchisés, la famille, les visiteurs, le soutien quotidien de l’aumônier apportant la communion, véritable « transfusion » de la vie du Christ. Le père Pierre Amar approfondit de nouveau le sens de son célibat : « Le prêtre se donne pour témoigner de la joie du don » (p. 115). Et l’ « Après », difficile rééducation avec les kinés… mais « demeurer dans l’être, et pas dans le faire : ce b.a.ba du sacerdoce » (p. 129), la convalescence à « Ma Maison » chez les admirables Petites sœurs des pauvres. La prière du Padre s’inspire de la vigoureuse « prière du parachutiste » pour demander « courage, force, et foi » (p. 63) et en fin de récit la prière d’abandon à la manière de Charles de Foucauld et de Marthe Robin. Le retour en paroisse est progressif en commençant par être « prêtre en renfort » avec des confrères, selon la consigne : « Prier, dormir, grossir » et le questionnement sur l’avenir…
En conclusion, Pierre Amar s’estime « cassé physiquement – cloué par la faiblesse – et cassé moralement par l’humiliation des traitements », mais l’essentiel est là : « On est toujours aimé de Dieu. Inexplicablement, je me sens plus prêtre et plus humain qu’avant ». L’auteur réassume sa vocation et sa mission de prêtre pour l’annonce de cet amour de Dieu (p. 155). Ce livre de confidence dans la description de la décapante et intime « aventure immobile » profitera aux personnes confrontées à la rude maladie et aux personnes entourées de malades, ou participant à la pastorale de la santé.
Père Pierre Fournier diocèse de Gap et d'Embrun 1948 - 2021