Pierre Vendassi, Chrétiens de Chine : affiliations et conversions au XXIe siècle, préface de Charles-Henry Cuin, coll. Sciences des religions, Rennes : Presses Universitaires de Rennes, 2016, 239 p., 20 €.
Depuis trente ans, le christianisme se répand en Chine. Venu d’Occident, il apparaît comme une religion résolument moderne, loin d’être étrange dans ce pays traditionnellement traversé par une « religion diffuse ». Toutefois, cette religion présente pas un visage monolithique. L’Église catholique côtoie le protestantisme, favorisé par l’État, mais aussi une multitude de sectes et de mouvements qui se réclament de la Bible, dont certains sont spécifiques à la Chine. De même, certains chrétiens ont une affiliation à l’Église officielle, contrôlée par le Parti communiste, alors que d’autres appartiennent à l’Église souterraine ou clandestine. Au XIXe siècle, les « rice Christians », les chrétiens du riz, sont des paysans démunis qui se tournent vers les missionnaires pour profiter des ressources qu’ils apportent.
Le chrétien chinois du XXIe siècle est plutôt jeune, appartenant à la classe moyenne ou aisé, il affiche sa foi autant que sa réussite économique. Toutefois, le christianisme est répandu dans toutes les couches sociales. Il est difficile d’évaluer son ampleur, tant pour des raisons pratiques que politiques et culturelles, notamment parce que le syncrétisme est très répandu. Les modalités d’appartenance sont aussi très nombreuses, allant de la simple adhésion verbale à l’engagement intégriste. Selon les estimations, il y aurait entre 50 et 100 millions de chrétiens pour une population d’un milliard trois cents millions.
La conversion étudiée dans son aspect sociologique
Dans Chrétiens de Chine, Pierre Vendassi étudie le mécanisme de la conversion dans son aspect sociologique. Selon Charles-Henry Cuin, préfacier de l’ouvrage, « [l’]hypothèse centrale [est que] les phénomènes de conversion doivent être étudiés comme des processus complexes et non, comme la sociologie religieuse le fait encore trop souvent, comme des moments de rupture induits par des contraintes externes » (p 9). Ils sont plutôt une évolution intérieure pouvant donner lieu à des retours sur des positions antérieures.
L’auteur apporte ainsi un regard nouveau sur un phénomène souvent rapporté par les chrétiens à l’aune de l’expérience de saint Paul sur le chemin de Damas : l’émergence d’un homme entièrement nouveau. Il différencie l’affiliation (l’adhésion au groupe, souvent marquée par un rituel, ici le baptême), la conversion (l’acquisition de la foi, sans pour autant qu’il y ait embrassement de l’ensemble des doctrines du groupe) et la confession (l’implication dans la vie communautaire et la pratique religieuse). Ces processus sont « distincts, réversibles, fluctuants et asynchroniques » (p. 14). Ils montrent la diversité des expériences individuelles des chrétiens chinois tout autant que les phénomènes collectifs.
Le point de vue de l’auteur est universitaire et se veut non confessionnel. Cet ouvrage est la publication des recherches menées par Pierre Vendassi pour l’obtention de son doctorat (voir sa thèse en ligne ici). Sa lecture éclaire d’un jour nouveau les nombreux témoignages chrétiens sur la conversion. La bibliographie, très riche, comprend des ouvrages en français, en anglais et en chinois. Un titre seulement traite des missions en Chine à l’époque moderne, quelques références supplémentaires sur le sujet auraient été intéressantes, même si ce n’est pas le cœur du propos de ce livre.
L’introduction, la table des matières et la quatrième de couverture sont téléchargeables sur le site des Presses Universitaires de Rennes.