Biographie de Marie : essai

James D. Tabor, Marie, Paris : Flammarion, 2020, 337 p., 22,90 €

Historien américain, universitaire, James Tabor s’est déjà fait connaître par sa Véritable histoire de Jésus (Laffont, 2014). Enseignant le judaïsme et les débuts du christianisme, l’auteur publie ici le fruit de ses recherches sur les textes (Premier Testament, Évangiles canoniques et apocryphes, Flavius Josèphe…) et sur le terrain par ses fouilles à Jérusalem, Sepphoris …

Cette « nouvelle enquête historique » porte sur « Marie, de son enfance juive à la fondation du christianisme ». L’intention de l’auteur est claire : « ressusciter Marie », femme juive, éduquée en Galilée, en milieu urbain, à Sepphoris, en une époque politique troublée, notamment avec le drame de deux mille crucifixions. James Tabor pense acquérir la certitude que Marie bénéficie d’une éminente ascendance à la fois royale (davidique) et sacerdotale. La généalogie de Marie la place dans la double et décisive sphère de responsabilité dans le peuple juif. Par ailleurs, l’auteur insiste sur l’expression des Évangiles sur « les frères et les sœurs de Jésus » (Marc 3 : 31 ; 6 : 3…). Il estime que Marie a vécu une existence humaine habituelle avec son époux Joseph et des enfants. Tout en éduquant Jésus, elle a eu la charge d’autres enfants avec Joseph et, une fois veuve, la charge des enfants de Joseph, au total la charge de huit enfants    (p 200…). Ici, certains lecteurs (catholiques…) interprèteront l’expression « frères et sœurs de Jésus » au sens du langage oriental quotidien, les personnes de proche parenté ou de proximité affective : cousins et cousines, amis …

Sur le plan socio-politique, l’auteur étudie avec précision les « révolutions messianiques » (p 239 et suivantes) : le soulèvement de plusieurs leaders politiques contre la rude domination de l‘Empire romain, révolutions violemment réprimées : crucifixions …

De plus, James Tabor considère qu’à la mort de Jésus, Marie, réelle « matriarche », a eu un rôle important par ses lignées royales et sacerdotales juives pour orienter le « mouvement de Jésus ». Jacques, fils de Marie et ainsi « frère du Seigneur », a eu une charge décisive de responsable socio-religieux dans les premières communautés chrétiennes. Mais, hélas, la place de Marie et de Jacques a par la suite été sous-estimée, déformée, et écartée. Marie, progressivement, a été présentée essentiellement comme vierge, mère d’un seul fils, Jésus, au profit de la dévotion.

Pour redonner à Marie de Galilée – de Sépphoris et de Nazareth – toute sa brillante dignité royale et sacerdotale juive, l’auteur argumente essentiellement sur des données socio-politiques et culturelles. Le lecteur aimera prolonger la brève allusion de James Tabor sur « la foi et la piété personnelles de Marie » (p 242). Il resituera ainsi Marie dans son intense contexte religieux, théologique et spirituel juif au sein d’un peuple porté par la ferveur de la foi au Dieu de l’Alliance d’amour miséricordieux, par la ferveur de la prière quotidienne personnelle et communautaire (les psaumes…). Au plus profond de son cœur, Marie a été entourée des divers courants d’attente du messie. Selon son Magnificat, Marie s’est située dans le courant spécifique des « pauvres de Dieu », les anavim, attendant un messie non pas politique, mais pauvre, justement, comme Jésus né dans l‘humble étable de Bethléem. Parmi les études sur ce messianisme spirituel spécifique, nous avons les livres d’Albert Gelin comme L’âme d’Israël  (Fayard) et des ouvrages récents.

Le livre de James Tabor ne peut que nourrir notre attention envers Marie, cette femme hors du commun, nous la situer dans l’histoire si mouvementée du peuple juif, en la proposant à notre réflexion et à la foi diversifiée des croyants.

                                      


Père Pierre Fournier
diocèse de Gap et d'Embrun
1948 - 2021

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