Christian Lochon, Chrétiens du Proche-Orient : grandeur et malheurs, éd. Librairie d’Amérique et d’Orient, Paris, 2016, 165 p., 19 €.
Christian Lochon a déjà publié Les grandes civilisations: l’islam (2007) et Secrets initiatiques en Islam (2008). Enseignant après une formation en Lettres françaises et en arabe, il a été détaché au Ministère des Affaires étrangères pour des responsabilités culturelles et techniques en Irak, Iran, Soudan, Egypte, Syrie… De ce fait, Christian Lochon nous présente, en connaissance de cause, la situation actuelle, si tragique, des croyants, chrétiens, musulmans, yézidis… Dans l’avant-propos, Mgr. Pascal Gollnisch, directeur général de « L’Oeuvre d’Orient », souligne bien l’intérêt de ce livre qui éclaire « les données religieuses, culturelles et politiques » de l’évolution des populations du Moyen-Orient. Dans sa consistante préface, Sobhi Habchi, chercheur au CNRS, se félicite de « la noblesse d’esprit et de l’honnêteté intellectuelle » de l’étude de Christian Lochon.
En huit chapitres très documentés, les croyants du Proche-Orient sont présentés sur leurs « grandeur et malheurs ». D’abord le rayonnement du rôle et de la culture des Chrétiens d’Orient : l’organisation des patriarcats, la valorisation des traditions locales (écoles…), l’influence du christianisme oriental sur l’islam, les ententes entre chrétiens et ottomans, leur contribution à la « renaissance » arabe islamo-chrétienne. Puis les secousses : les Chrétiens d’Orient pris dans la crise du monde, la création de nouveaux Etats, les mesures discriminatoires, la confrontation des chrétiens à la chari’a et à la montée du radicalisme islamique au XXe siècle, les persécutions, l’instrumentalisation du jihad médiéval… L’auteur en vient au « mythe catholique de Babylone (Bagdad) », à la disparition des chrétiens de la plaine de Ninive (Qaraqoche,..), à l’Etat islamique et la dégradation du patrimoine architectural arabe civil et religieux. Chemin faisant, attentif aux réalités géopolitiques présentes, Christian Lochon nous lance des appels : le « devoir de compréhension » (p. 75) et de dialogue islamo-chrétien, le soutien à « une exégèse moderne des textes islamiques sacralisés » (p. 73), la solidarité active envers les minorités chrétiennes pour que, malgré les « cauchemars« , elles continuent leur bénéfique témoignage spirituel, religieux et culturel. Pensant à l’avenir et à la jeunesse de ces pays, il conclut, avec Mgr Mirkis, archevêque chaldéen de Kirkouk: « L’espérance [vient] de la ténacité, du professionnalisme, de la foi de ces Chrétiens d’Orient éprouvés et toujours renaissants ».
En ce qui concerne le Moyen-Orient, cet ouvrage complète bien « Le livre noir de la condition des chrétiens dans le Monde » paru en 2014 (éd. XO) sous la direction de Mgr Jean-Michel di Falco Léandri, évêque de Gap et d’Embrun, Timothy Radcliffe et Andrea Riccardi. Il est une véritable étude, à la fois très fouillée, érudite et vivante, et un véritable outil de travail grâce à son précieux index de noms cités (p. 151-158) et à sa bibliographie, abondante (p. 143-150) et très actualisée (avec mention, par exemple, du livre du patriarche Bechara Raï, Au coeur du chaos, mai 2016).
Père Pierre Fournier
diocèse de Gap et d'Embrun
1948 - 2021