Vincent Henry, Bruno Loth, John Bost, un précurseur, Saint-Avertin, La Boîte à Bulles, 2017, 144 p., 22 €.
Cette bande dessinée a reçu, fin janvier 2018, le prix de la bande dessinée chrétienne. C’est un ouvrage facile à lire avec un dessin esthétiquement agréable à regarder et à la colorisation originale. Il touche à l’histoire générale, à celle du christianisme, particulièrement protestant, et à celle de la psychologie. Quelle est, par exemple, la perception de la maladie mentale à la fin du XIXe siècle ? Page 17, la liberté de déplacement des personnes aliénées est soulignée comme étant une nouveauté. Cet album est fondé sur des sources et une bibliographie citées page 133. Il se termine par une contribution de Jacques Hochmann, psychiatre spécialiste de l’autisme, « où en était la psychiatrie lors de la fondation des asiles de La Force ? » (p 137-143).
Une bande dessinée chrétienne
De nombreuses références bibliques parsèment le livre. Tout d’abord, les versets 42 à 46 du chapitre 25 de l’évangile selon saint Matthieu se trouvent en épigraphe. La genèse est citée page 21. Il est fait référence à l’œuvre du bon Samaritain page 31.
Le protestantisme français au XIXe siècle se lit en transparence du récit. L’apport de la famille Monod est souligné notamment aux pages 4, 10 et 100. Les rivalités entre tendances et pasteurs (p 100) se découvrent par le prisme du consistoire de Bergerac dont dépend la paroisse de La Force (pages 6-7, 19, 87).
Le rigorisme spirituel du pasteur John Bost est né de l’éducation paternelle (p 105). Il est le pasteur d’une Église s’appuyant sur les dix commandements (p 7) et aussi sur « le pur Évangile, la vie, la paix, la joie » (p 19). Il pense que son action est l’expression de la miséricorde de Dieu, par exemple dans le droit pour tous « à communier à la parole divine » (p 13).
De longues pages (5, 72-76, 80-83) sont consacrées à la « conversion » de John Bost, c’est-à-dire à sa manière de répondre à l’appel, quand, par exemple, il est « couvert par la justice de Dieu ». Il renonce pour sa vocation à une carrière de concertiste (p 24). La période de ses études est traitée page 85.
Une œuvre née au XIXe siècle
L’ouvrage permet de situer ces asiles pour enfants puis adultes handicapés dans le XIXe siècle. Cette réalisation du pasteur John Bost, au-delà de ses singularités, peut aussi être comparée à celle des Orphelins apprentis d’Auteuil à partir de 1866, et à bien d’autres comme des écoles, des hôpitaux… Pensons notamment à la Providence de Gap. Ces œuvres sont fondées pour palier les difficultés de l’État et parce que le concordat entre 1802 et 1905 fait des Églises des auxiliaires de son action.
L’ouvrage part de la découverte des asiles de La Force (Dordogne) par Ernest Rayroux, brièvement adjoint puis successeur de John Bost en 1881 (p 128-130) : « John Bost a créé neuf asiles où sont abritées, non pas toutes les misères humaines, mais les principales morales et physiques : l’enfance abandonnée, exposée dans de mauvais milieux, les idiots, les idiotes ; les incurables intelligents, paralytiques, aveugles, boiteux, estropiés ; les épileptiques, les gâteux et les gâteuses ; la vieillesse elle aussi… » Le premier (p 57) est ouvert en mai 1848.
L’un de ces établissements (p 14) est destiné à recevoir des « jeunes filles placées en situation difficile par la vie… qu’elles soient orphelines, nées d’unions illégitimes, livrées à elles-mêmes ». L’abandon des enfants, lui, est présenté pages 38-39. En 1875, est créé « Le repos » (p 59). Il accueille « des institutrices incurables, des maîtresses d’écoles infirmes, veuves, célibataires ou sans ressources ».
L’inscription de l’œuvre du pasteur John Bost dans le XIXe siècle se voit, par exemple avec (p 22) la construction d’un temple grâce aux fonds et aux travaux des habitants des lieux. Cette manière de faire intervient en maints lieux à cette époque, pour des églises ou des chapelles. De même, la participation du jeune John Bost à Paris, en 1839 à « Une société d’amis des pauvres » (p 77-78) fait penser à la société Saint-Vincent de Paul de Frédéric Ozanam. Enfin, les préjugés de l’époque sur l’éducation des filles sont bien décrits page 90.
John Bost, un précurseur, est un beau support pour un cours de catéchèse (ou d’école biblique protestante) et d’éveil à la foi à partir du thème de la miséricorde ou de celui du rapport entre la foi et les œuvres. Les pastorales des jeunes, de la santé, liées aux handicaps trouveront dans ce livre des idées en rapport avec leurs actions.
Luc-André Biarnais archiviste du diocèse de Gap et d'Embrun