Joséphine Bakhita, Journal, de la servitude à la sainteté, Paris : Éd. Salvator, 2017, 128 p., 13 €.
Avec le sous-titre « De la servitude à la sainteté », voici en français le « journal »de Joséphine Bakhita , son étonnante autobiographie dictée, en italien, en 1910, à une de ses consœurs. En couverture, la photo habituelle de Joséphine, avec son beau et doux sourire et sa coiffe de religieuse. Il s’agit de l’histoire bouleversante de cette fillette soudanaise née au Darfour en 1869. À sept ans, elle arrachée à sa famille par des trafiquants d’esclaves. Esclave, elle grandit dans le contexte de l’islam confrérique soudanais tandis qu’elle est conduite, à pied, souvent enchaînée, vers la vallée du Nil blanc, vendue et revendue plusieurs fois, comme à El Obeid, puis à Khartoum. Achetée par un agent du Consulat d’Italie, emmenée en Italie, dans la région de Venise, elle découvre alors la vie d’une famille chrétienne, et ses prières. Mr Illuminato Checcini lui remet un crucifix en lui expliquant que « Jésus-Christ, Fils de Dieu est mort pour nous » (p.43). Entrée au service des religieuses canossiennes de la Charité et s’occupant d’enfants, déclarée affranchie, elle est baptisée et confirmée, à 21 ans, en 1890, par Mgr Agostini, cardinal de Venise. À la demande de sa Supérieure, Sr Margharita Bonotto, à 41 ans, elle raconte son histoire si douloureuse, maintenant éclairée par un nouveau « Patron », le « Seigneur providentiel » (p.49). Les « pensées de Bakhita » sont regroupées p. 87 à 107: sur sa vie d’esclave, son style de vie, le pardon, l’obéissance, la prière, sa foi, Dieu, la Vierge, sa solidarité avec les Africains, la perspective de l’au-delà…
Après ce récit, Joséphine a vécu encore trente-sept ans de vie religieuse, de service des enfants, d’amour des humbles, jusqu’à sa mort en 1947. Malgré tous les sévices de l’esclavage qu’elle a dû supporter, elle affirme: « Je n’ai jamais détesté personne. Peut-être qu’ils ne se rendaient pas compte du mal… ». Sur son cheminement de la foi des musulmans à la foi chrétienne, elle reconnaît: « Même quand j’étais esclave, je n’ai jamais désespéré, je sentais en moi une force mystérieuse qui me soutenait. Et je connus finalement ce Dieu que je sentais dans mon coeur depuis que j’étais petite, sans savoir qui c’était. La Sainte Vierge m’a protégée, même quand je ne la connaissais pas. »
Dans une étude bien documentée sur l’esclavage, Robert Zanini situe la destinée de Bakhita dans le contexte de ce fléau de l’esclavage et dans sa quête de vérité. Il ouvre sur les réalités des esclavages actuels et sur « Bakhita aujourd’hui », sur l’actualité de son expérience de vie et de foi, sur son croissant rayonnement dans le monde. En Préface, le cardinal G-B. Re, du Vatican, parle du rayonnement de Bakhita comme une précieuse « icône du pardon » et de la réconciliation pour le monde d’aujourd’hui. La Postface est du cardinal Zubeir Wako, Sud-Soudanais, archevêque émérite de Khartoum: il actualise bien le sens de la vie de Bakita, son « mystère pascal », et l’appel à sortir des divers esclavages actuels. Nous voici dans une phase d’émergence de cette inattendue et grande figure du Soudan. Elle a été canonisée en 2000 par Jean-Paul II et proclamée patronne du Soudan. Des paroisses de divers pays d’Afrique portent maintenant le nom de Sainte Joséphine Bakhita. Sa vie « de la servitude à la liberté et à la sainteté » est actuellement popularisée par Véronique Olmi dans un opéra et dans son excellent roman historique « Bakhita » (éd. Albin Michel, 2017, 458 p.).
Père Pierre Fournier diocèse de Gap et d'Embrun 1948 - 2021