Martin Steffens, L’éternité reçue, Paris : éd. DDB, 2017, 246 p., 19 €.
Martin Steffens est professeur de philosophie en Classes préparatoires et chroniqueur à « La Croix » et à « La Vie ». Il a déjà publié plusieurs livres, dont, concernant la posture envers l’existence humaine, un Petit traité de la joie. Consentir à la vie (2011, Prix Humanisme chrétien).
Ici, l’auteur aborde la délicate question de la vie en rapport avec la mort et l’éternité. Il procède en quatre temps. « Vivre d’abord ». Une sorte d’hymne à la vie, car « la vie mène la guerre contre la mort » (p. 9). L’auteur cite volontiers et surtout Nietzsche (Zarathoustra, Gai savoir…). Puis « Mourir parfois » : les « petites morts » de l’existence Mourir à nos prétentions nobles mais impossibles dans le rapport à autrui, à l’autre (la société,..) et à soi, et quand « l’âme est brisée » (p.89) ou lors de « la mort par corps ». Ici, M. Steffens s’appuie plus spécialement sur la pensée de Simone Weil, sur qui il a publié le « Prier 15 jours avec… ». La philosophe éclaire la rencontre avec le réel à travers les contradictions de la vie, et les impossibilités (p.82). Ensuite « Mourir »: le don total de notre vie aboutissant à « posséder par dépossession » (p.122).
L’auteur se fonde alors surtout sur la pensée de Maître Eckhart. Il s’agit chez ce théologien mystique d’un « abandon » profond, d’un détachement de l’être, d’une désappropriation radicale de soi, et jusque de la mort elle-même. Enfin « Ressusciter »: ici, l’éternité est reçue comme un « habit reçu pour revêtir notre nudité » (p. 173). L’éternité nous ouvre à « l’omnitude des nouveautés » (p.214). M. Steffens insiste sur le fait que l’éternité ne va pas de soi: elle ne peut qu’être « reçue du Père » avec un cœur réellement disponible. En conclusion, M. Steffens propose « une autre lecture de notre finitude »: » Inscrite en l’univers, la mort est la trace en creux du Créateur. La mort nous destine à l’amour » (p.239). Sur tout ce parcours, l’auteur fait référence à la révélation biblique: Genèse, Job, les Évangiles, saint Paul…
Le livre est écrit dans un style direct, vivant, particulièrement dynamique, riche d’exemples. L’auteur prévient volontiers le lecteur: « Il n’est pas une idée de ce livre qui n’ait dans votre vie un écho » (p.11). Chaque lecteur trouvera ainsi en ce livre bien des réflexions fécondes, philosophiques, bibliques, théologiques, spirituelles, à méditer sur la vie, la mort, la transcendance, et l’éternité à recevoir. Car, par vocation, « nous sommes (déjà) éternels » (p.210). La démarche chrétienne, philosophique et spirituelle, de M. Steffens fait penser à celle de Marie de Hennezel et de Bertrand Vergely dans Une vie pour se mettre au monde (éd. Carnets Nord, 2010, 222 p.) sur le « mûrir – mourir – vivre », mais elle déploie toute son originalité.
Père Pierre Fournier diocèse de Gap et d'Embrun 1948 - 2021