Sandro Veronesi, Selon saint Marc, Paris, Grasset, 2017, 190 p, 17 €.
Sandro Veronesi nous offre une étude de l’Évangile attribué à saint Marc. Cet ouvrage est truffé de références culturelles contemporaines. Pour le cinéma sont cités Alfred Hitchkock (p 102), Quentin Tarantino (p 23, 41, 71, 94), Sergio Leone (p 94), Christopher Nolan dans The Dark knight (p 151), ce film étant le seul véritablement récent. En outre, l’auteur souligne que « Matrix est fortement, très fortement calqué sur l’Évangile de Marc » (p 35). Une comparaison est établie entre Jésus et Obi-Wan Kenobi, l’un des personnages de Star Wars (p 29-30). Le chanteur Leonard Cohen est évoqué page 52 pour les paroles de sa chanson Suzanne. Nick Cave (p 61, 73 et 154), plutôt que pour son œuvre vocale, est évoqué pour une préface à l’Évangile publiée à deux reprises en France (2000 et 2006 par le Serpent à Plume et Mille et une nuits).
Un style vif fait de cet « essai » de théologie un livre rapide à lire et plaisant malgré quelques répétitions tel « argousins » aux pages 87, 91 et 100.
Mais qui est l’évangéliste ?
Sandro Veronesi (p 101-102) reprend l’hypothèse selon laquelle Marc serait le témoin qui suit Jésus au moment de l’arrestation : la description a évidemment une valeur symbolique puisque « le garçon lâche le drap qui l’enveloppe et s’enfuit nu ». Il est, surtout, celui qui transcrit le récit de Pierre, hormis (p 99-100) au moment de l’arrestation du Christ.
Un évangile pour les Romains
Selon Sandro Veronesi, Marc valorise les lecteurs/auditeurs, romains, par « ces êtres ridicules » que sont les disciples (p 77) ce qui a été souligné par Nick Cave dans l’introduction qu’il a donnée. De même (p 106-107), il présente Pilate, le premier Romain à apparaître dans son Évangile, comme soucieux de devoir « limiter au maximum les tumultes populaires dans le territoire qu’il administre ». Pour Veronesi (p 108), la rencontre entre Pilate et le centurion, romain qui vient de se convertir, est décisive pour la compréhension de l’histoire du Christ par l’auditoire de l’évangéliste Marc. Les Romains sont (p 17) païens, conquérants, envahisseurs, oppresseurs d’Israël. L’Évangile de Matthieu, lui, est destiné aux juifs. (p 68) Marc introduit un triangle Jésus, les apôtres, les autres.
(p 30-31) Pourquoi un évangile si ramassé, avec de tels « manques » par rapport aux trois autres textes ? « Il y a des choses qu’on ne peut tout bonnement pas dire à un Romain » avant de l’avoir converti. C’est l’un des aspects de l’écriture du texte sacré dans lequel certains événements relatés correspondent non seulement à l’usage de la vérité historique mais à une démonstration à partir de faits. C’est le cas pour le respect du sabbat à partir du chapitre 2, versets 23 à 28 (p 46-47). Cet épisode présente, comme bien d’autres, « l’habileté du Christ avec les mots » (p 49). Cette « capacité de s’adresser à tous [montre] une attitude de commandement » pouvant plaire aux Romains (p 50).
(p 75) La prédication du Christ est donnée aux disciples comme un enseignement et pour qu’ils se trouvent « moins dépourvus quand viendra la phase décisive ». Cet enseignement aux Douze par le Christ est celui que donne Marc aux Romains (p 85). Cet Évangile, pour reprendre l’introduction de la traduction de Jérusalem, montre « le paradoxe de Jésus, incompris et rejeté par les hommes mais envoyé et triomphant par Dieu ».
Le lien avec la mer (p 52 et suivante) de Jésus et des Douze est l’une des idées fortes soutenues par Veronesi. De même, il reprend en leitmotiv la phrase, « qui n’est pas contre nous est pour nous » (p 67). Il analyse assez longuement (p 39) les miracles du Christ. Il souligne l’importance du « ne le dis à personne », répété sauf pour l’exorcisme du chapitre 5 verset 1 à 20 (p 55-57). Veronesi souligne la (p 76) « tension continue entre secret et manifestation : qui est Jésus doit rester un mystère, mais non pour les Douze, car eux doivent le savoir et se taire » (p 80) jusqu’à la résurrection. (p 103-104) Jésus est condamné à mort parce qu’il est lui-même. Il accepte la condamnation en révélant qui il est.
Analysant (p 39-41) le miracle du paralytique à Capharnaüm (mc 1, 16 – 3,6) Veronesi rappelle que Jésus commence par lui remettre ses péchés avant de le guérir physiquement. C’est là l’institution du sacrement de réconciliation.
Les notes de ce livre court occupent les pages 117 à 190. Celles-ci sont numérotées en continu de 1 à 115, ce qui les rend pratiques à consulter. Ce texte est un outil d’étude pour des groupes bibliques. Il est surtout une pépite pastorale à confier à des adultes qui s’intéressent aux Évangiles, qu’ils aient ou non la foi mais pour qui les références culturelles de Sandro Veronesi ont un sens.
Luc-André Biarnais archiviste du diocèse de Gap et d'Embrun