Bonaparte et le Dix-huit Brumaire : un événement clef pour l’Église

Patrice Gueniffey, Le Dix-huit Brumaire, l’épilogue de la Révolution française (9-10 novembre 1799), Paris : Gallimard, première éd., 2008, présente éd. : Folio, 2018, 523 p., 24,40 €

Le Dix-huit Brumaire est un moment charnière, tantôt considéré comme le début du pouvoir de Napoléon Bonaparte puis de Napoléon 1er, tantôt comme l’aboutissement de la période révolutionnaire. C’est ce dernier aspect qui constitue la thèse de Patrice Gueniffey, auteur déjà cité sur ce blog. Son ouvrage est particulièrement intéressant par le portrait dressé de Bonaparte, et par la présentation du contexte français.

Le contexte d’une France fatiguée

La Vendée est invoquée par les parlementaires à la fin du Directoire. Elle est le symbole du danger de l’insurrection et du complot de l’étranger. Cela, d’autant plus que des insurrections y ont lieu (p 27, 40, 369, 398) comme en Comminges (bataille de Montréjeau, 19-20 août 1799, p 354). Pourtant, (p 70) à la fin du Directoire, les députés les plus liés à l’Église tentent de faire abroger les lois sur le divorce.

Dès le 9 thermidor soit juillet 1794 (p 55) la Convention met fin à la Terreur et se transforme en pouvoir conservateur. Les conventionnels considérés comme compromis avec Robespierre sont écartés.

En avril 1797 (p 64) deux innovations électorales sont mises en place. Il s’agit d’une part de la déclaration des candidatures et leur publicité et, d’autre part, « l’abrogation du serment de fidélité à la Constitution qui, depuis le commencement de la Révolution, avait permis d’épurer efficacement les assemblées électorales. Pour la première fois, le pouvoir s’en remettait à la logique des institutions ». Cependant (p 74), les assemblées seront purgées des députés jugés trop monarchistes lors du coup d’État du 18 fructidor (4 septembre 1797) après ces élections d’avril 1797 : « l’Église, à peine renaissante, retourna à la clandestinité, la presse fut muselée et l’administration épurée » (p 116).

Bonaparte

La personnalité de Bonaparte est présentée par le biais de ses différents commandements avant sa prise de pouvoir. Ainsi, le retour d’Égypte est moins pittoresque que crucial dans le déclenchement de la crise amenant Bonaparte au pouvoir. Auparavant, la campagne d’Italie révèle les qualités du chef, son courage, ses sens tactiques et stratégiques.

Durant cette campagne (p 84), Bonaparte est chargé de faire rendre gorge aux souverains de l’Italie centrale, et peut-être d’aller à Rome pour mettre fin au pouvoir temporel du pape Pie VI (1775-1799). Au printemps 1797 (p 80), Bonaparte marche sur Ancône forçant le souverain pontife à céder alors que le général trouvait qu’il mettait trop de temps à signer un traité de paix. En janvier 1798 (p 212), Rome est occupée et il y est fondée une République suivie de la création de la République parthénopéenne (Naples).

En Italie (p 96-97), Bonaparte, joue à la fois d’un anticléricalisme utilitaire dans son discours vis-à-vis du pouvoir parisien et de déférence envers les dignitaires ecclésiastiques. Il s’inquiète, en particulier de la pauvreté des prêtres français réfugiés. C’est, pour le diocèse de Gap, le cas de son futur évêque, Mgr François-Antoine Arbaud dont le récit de voyage est conservé dans le fonds du Saint-Cœur de Marie aux Archives diocésaines. Le père jésuite Jean-Joseph Rossignol se trouve lui aussi dans le nord de la péninsule italienne. Le rôle du comte Francesco Melzi (p 85, 100) auprès de Bonaparte en 1796 est souligné pages 85 et 100. Il est aussi le protecteur de Rossignol de Vallouise. 

En France, Bonaparte considère que la liberté religieuse est l’une des conditions du retour à la stabilité (p 373, 398), par exemple en autorisant les célébrations dominicales (p 407). Il feint d’ignorer le théophilantropisme, culte de la « raison », mis en œuvre par le Directeur Louis-Marie La Révellière-Lépeaux.

Nous rencontrons aussi…

Le livre de Patrick Gueniffey rappelle le rôle de l’ancien prélat, Charles-Maurice Talleyrand, évêque d’Autun de 1788 à 1791, à la fin de cette décennie révolutionnaire (p 156, 175, 286).

Emmanuel Sieyès est l’un des acteurs majeurs des débuts de la Révolution française. Dès 1789 paraît Qu’est-ce que le Tiers-État ? et il est essentiel dans la transformation des États généraux en Assemblée nationale. Emmanuel Sieyès a voulu avoir le rôle principal dans le renversement du Directoire (p 136, 222-225, 249, 300, 395). Ses idées constitutionnelles ne seront pas retenues par Bonaparte. Cet ancien prêtre est l’homme « de la continuité et du passé » aux yeux de Bonaparte (p 376).

Il reste de ce livre la présentation du goût de la science et des figures qui l’incarnent par Bonaparte. Il présente aussi le général en homme sûr de ses idées, pragmatique plus que théoricien, et connaisseur des réalités particulières de la France de 1800 » (p 408).

Luc-André Biarnais
archiviste du diocèse de Gap et d'Embrun

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