Le 4 juillet 371, saint Martin de Tours est appelé sur le siège épiscopal de Tours. Anne-Marie Martin, présidente de l’association des amis de l’église Saint-Martin de Villar d’Arène, nous présente la place de ce saint dans le diocèse de Gap et Embrun.
Le village de Villar d’Arène, situé tout au nord du département des Hautes-Alpes, au Pays de la Meije, se signale de loin par son clocher élancé. En tuf local, on pourrait le croire inscrit dans le paysage de toute éternité. Il n’en est rien. Les archives nous apprennent que, si une paroisse est bien mentionnée à Villar d’Arène dès 1042, et une église Saint-Martin depuis le XVIIe siècle, celle que l’on voit ne date que du XIXe siècle. Construite il y a 150 ans sur l’emplacement de la précédente, en un temps d’espoir économique, elle a été inaugurée pour la fête de son saint patron, le 11 novembre 1870, au moment du désastre de Sedan. Remplacée dans son usage cultuel par la chapelle voisine des Pénitents, elle s’est silencieusement et lentement dégradée au fil des hivers, particulièrement rudes à 1650 m d’altitude.
En 1995 fut créée une association de sauvegarde qui mit tout en œuvre pour la garder propre, lui conserver sa dignité et sensibiliser à sa restauration. À partir de 2016, la mise en place de concerts et d’animations culturelles au bénéfice de l’église Saint-Martin lança une nouvelle piste : un label « Itinéraire culturel du Conseil de l’Europe » pouvait être obtenu en se rapprochant de municipalités dotées d’édifice Saint-Martin. La recherche fut riche de belles découvertes.
Ainsi, au Monêtier-les-Bains, une étonnante chapelle Saint-Martin du XVe siècle, vendue comme bien national à la Révolution, transformée en garage par ses propriétaires, est classée Monument Historique pour ses remarquables fresques figurant des scènes de l’Ancien Testament. Au sud de Briançon, Saint-Martin de Queyrières, situé sur le Chemin de Compostelle, a un riche patrimoine religieux dont une église Saint-Martin du XVe siècle, classée Monument Historique, en cours de restauration. Elle est dotée d’un retable classé, représentant la mort du saint.
Proche de Serre-Ponçon, à l’écart du village du Sauze-du-Lac, une chapelle Saint-Martin, témoigne d’un attachement ancien à l’évêque de Tours. En ruines, elle fut en partie restaurée en 2004. Dans une nature préservée et face à un paysage splendide, elle invite à la méditation et à la contemplation. Il apparaît que l’église du village est placée de longue date sous le vocable de saint Martin. Son mur-pignon de pierres sombres est peu banal avec ses quatre cloches et ses redents.
Poussant plus avant, et non loin de Notre-Dame du Laus, la Bâtie-Vieille offre aussi une église Saint-Martin. Une tour des XI-XIIe siècle confirme l’ancienneté du village mais l’église actuelle est du XIXe siècle. Rénovée en 2013, elle témoigne d’un souci d’entretien qui s’étend à tout le village.
Dans le Champsaur voisin, la dévotion à saint Martin est ancienne. Elle est attestée au XIe siècle à Ancelle, station-village familiale dont l’église Saint-Martin, restaurée au XIXe siècle, conserve une sculpture en bois doré représentant le saint évêque. Il s’y trouve aussi deux grands tableaux du peintre dauphinois Jules Guédy dont l’un représente la Charité de saint Martin et un vitrail du XIXe siècle est à son effigie. Sur la commune d’Orcières-Merlette, au hameau de Serre-Eyraud, la chapelle Saint-Martin est bien entretenue. Son mobilier en bois et marbre blanc sculpté, traduit un souci d’honorer le lieu. Deux très beaux vitraux du XIXe siècle se font face : l’un représente saint Martin, l’autre saint François-Régis, missionnaire jésuite des campagnes. Au-dessus de la porte, un imposant tableau de la Charité de saint Martin est signé Placido Lucà Trombetta, peintre sicilien mort dans le tremblement de terre de Messine, sa ville natale, en 1908. On note, au village des Infournas, un changement de vocable pour son église Saint-Martin devenue au XVIIe siècle Notre-Dame de l’Assomption. Un effet de la Contre-Réforme catholique ? La chapelle voisine dite des « Pétètes », consacrée à saint Grégoire, qui s’est fixé à Tallard au retour d’un voyage à Tours où il rendait visite à son ami Martin, était aussi devenue un lieu de célébration mariale. À Poligny l’église Saint-Martin date du XVe siècle, un vitrail est venu l’orner au XIXe siècle. Il représente le buste du saint en habit d’évêque.
Le village de Fouillouse, qui domine la plaine de Tallard et bénéficie d’un superbe belvédère sur les sommets environnants, a une église Saint-Martin du XIXe siècle bien entretenue avec une statue représentant l’évêque de Tours.
Sur la rive droite de la Durance, l’ancien site gallo-romain de Monêtier-Allemont, avait une chapelle Saint-Martin avant même le Xe siècle. L’église actuelle, sous le vocable de Saint-Martin, date du XIXe, construite sur l’ancienne aire où l’on battait le grain.
À Laragne, il existait une église Saint-Martin au XVe siècle. L’église actuelle, sous le même vocable, fut construite fin XIXe, sur un autre emplacement. Le vitrail du chœur figure Martin partageant son manteau. Une statue et un tableau le représentent également. Plus au sud, à Chateauneuf-de-Chabre, sur un replat, on distingue, envahies par la végétation, les ruines de la chapelle des Faysses (terrasse en patois), connue au cours des siècles sous le vocable de Notre-Dame et sous celui de Saint-Martin. Encore debout au début du XXe siècle, il n’en reste que des pans de murs. Il est prévu de la reconstruire. Non loin, sur « l’ancien chemin » de Laragne au Sorbiers, une « Maison Saint-Martin » accueillait les voyageurs. Elle conserve cette appellation bien que devenue habitation privée.
En suivant la Blaisance, on arrive à Montjay. Son église Saint-Martin, au mobilier harmonieux, est ouverte et accueillante. La dévotion à saint Martin y est ancienne. La restauration de l’édifice, au XIXe siècle, en a montré la permanence avec l’ajout d’un vitrail à son effigie. Une statue en bois doré de l’évêque de Tours remonte au siècle précédent. Le tableau offert par Napoléon III est une copie du Christ Crucifié de Velasquez. Reprenant la route aux beaux paysages boisées, on arrive à Saint-André de Rosans. C’est au hameau des Isnières, qui dépendait du prieuré de Saint-André que l’on trouve une chapelle Saint-Martin. Elle prit rang d’église paroissiale au XVIe siècle en réponse aux catholiques qui demandaient un lieu de culte en cette terre alors gagnée au protestantisme. L’édifice actuel date du XVIIe siècle. Il est en mauvais état. Une partie de la voûte s’est effondrée. Une association s’est créée pour sa restauration.
Plus au nord, le village de Saint-Pierre d’Argençon a pris le pas sur son voisin Saint-Martin d’Argençon, devenu le hameau Saint-Martin. Sa chapelle est sous ce même vocable. Détruite lors des guerres entre catholiques et protestants, reconstruite au XVIIe siècle, elle est déjà provençale avec sa génoise à trois rangs et ses tuiles rondes. À l’intérieur, un tableau de 1671 offre une rare représentation du saint agenouillé, encadré par des anges dont l’un porte sa crosse. Le vitrail, du XIXe siècle, aux somptueuses couleurs, représente le saint en évêque. Un « chemin de saint Martin » fait le tour du tertre sur lequel est bâtie la chapelle puis longe le ruisseau de l’Aigasse.
Cette chapelle a fait l’objet, dans les années 1960, d’un chantier de restauration sous l’égide d’un habitant originaire des lieux. Celui-ci, devenu orthodoxe et moine sous le nom de Victor (Joseph Raïsi, 1939-2020), a acquis d’anciens bâtiments agricoles à La Faurie et y a fondé un monastère, placé sous la double protection de saint Martin et de saint Cassien. Il a transformé l’ancienne bergerie en chapelle dédiée à saint Martin. On y trouve une icône du saint. Une autre icône de saint Martin orne l’église de la Divine Sagesse, l’une des deux églises du monastère, aux riches peintures.
Ces édifices aux situations diverses, plus nombreux dans le sud du département, témoignent de la popularité de saint Martin dont le geste de partage perdure à travers les représentations picturales. L’art du vitrail et la sculpture le représentent volontiers dans sa dignité d’évêque.
Ces témoignages architecturaux et artistiques émeuvent par la foi qu’ils traduisent et le souvenir des anciens qu’ils ravivent. Ils nous relient à notre histoire et sont un joli fil rouge pour découvrir la beauté et la variété des splendides paysages hauts-alpins.
Anne-Marie Martin
Présidente de l’association des amis de l’église Saint-Martin de Villar d’Arène