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Christian Defebvre, Othmane Iquioussen, La Paix soit avec toi, Oui, les religions sont faites pour réunir !, Paris : Bayard, 2017, 367 p., 17 €.

Que le christianisme et l’islam soient des vecteurs puissants de construction de la paix dans la société, les deux auteurs en sont convaincus. Selon le sous-titre : Oui, les religions sont faites pour réunir ! Ils le disent ensemble avec un titre bilingue complet : La paix soit avec toi. Salam Alaykum. Christian Defebvre, agrégé d’histoire et de géographie, catholique pratiquant, a dirigé l’ouvrage collectif l’Histoire des religions en Europe (Hachette Education, 1999). De plus, il est engagé dans les sciences de l’éducation et a également dirigé, de 2001 à 2004, la collection « Sagesses et religions du monde » (Bayard). Othmane Iquioussen est l’un de plus jeunes imams de France, en poste dans le Nord, à Raismes, conférencier sur les domaines interreligieux. Après l’école laïque en France, il a obtenu un diplôme de science islamique au Caire à l’Université Al Azhar.

Les auteurs présentent d’abord « les racines chrétiennes d’une culture de la paix » avec Jésus mettant fin à la loi du talion dans le discours de la montagne (Mt 5), l’épisode de la femme adultère pardonnée, le récit d’Emmaüs, le « remets ton glaive au fourreau », le précepte de l’amour mutuel. Puis « la vie de Mohammed et le Coran à la racine d’un culte de paix » : la théologie du Dieu Très miséricordieux (« Ma miséricorde l’emporte sur ma colère »), Mohammed pour une miséricorde universelle et son projet de société visant à répandre la paix, la paix intérieure, l’éducation à la gratitude et à la non-violence avec les enfants, la culture du pardon, la force de la salutation souhaitant la paix.      

Vient alors l’étude du passage « des dérives de l’Histoire à l’émergence d’une culture de la paix entre catholiques et musulmans ». Il s’agit ici de la christianisation de la guerre juste (IVe siècle), de la guerre et de la tolérance dans l’espace islamisé, des croisades, de la diabolisation de l’islam dans le monde chrétien, de l’Inquisition, des guerres de Religion, des colonisations (Algérie). Mais aussi de la lumineuse rencontre de François d’Assise avec le sultan en 1219, ou de Charles de Foucauld avec les Touaregs, de l’effort de soutien religieux aux musulmans soldats en 1914-1918 puis 1939-1945, le « renouveau du catholicisme » (Vatican II, p 170). Un regard est ouvert sur les relations de l’Église et de l’islam lors de la décolonisation, ainsi qu’au Moyen-Orient, en Iran, sur l’ « imposture religieuse et la barbarie » (p. 189), et l’évolution récente de l’islam de France (p. 201).

Sont ensuite abordées « les diverses interprétations du djihad dans la culture musulmane » : le djihad moral, spirituel, intellectuel, familial, social, prédicatif. La référence est faite du rapport à la guerre avec Moïse, Jésus, et Mohammed. Les questions sont posées : pour Mohammed devenu chef militaire, et chef pacifiste ? (p. 228) Le coran appelle-t-il à un combat défensif ou offensif ? L’éthique militaire de l’islam : un progrès pour l’humanité ? De quoi cerner le « droit à la guerre et le devoir de paix » (p. 275).

La dernière partie en vient à la question fondamentale de la vérité : « Regards croisés sur la question de la vérité en religion » (p. 277-360). Le point de vue du théologien musulman est donné : l’intuition et la raison sur les vérités métaphysiques, l’ignorance, l’adhésion ou le rejet envers la vérité révélée ; le rapport à la religion naturelle. L’enjeu essentiel du « cœur » et de sa pureté pour le salut, pour le jugement envers les autres et le pardon. « Seul Dieu est juge » (p. 309). Les dérives vers le syncrétisme et le fanatisme (p. 311). La vérité et le réformisme, ses divers courants, d’où la question décisive : « Qui incarne l’islam authentique ? » (p. 328). Le point de vue de l’historien catholique est également donné (p. 330-360) : Jésus s’affirmant comme « le chemin, la vérité et la vie » et assurant « la vérité rend libre », la question de la vérité dans les Écritures et dans l’enseignement, ainsi la nécessité d’un temps pour le sens à l’école.

C’est ainsi, avec le même sérieux, que les auteurs énoncent leur conviction sur le christianisme et l’islam comme religions militantes pour la paix, et prennent en compte les problèmes posés dans l’histoire et dans les évolutions actuelles. Nous notons que ces auteurs sont attentifs aux perspectives éducatives envers les familles, l’école, et les enfants pour la construction d’une société « de discernement, de dialogue et de confiance en l’avenir » (p. 363) selon les valeurs de la République, la construction d’ « un monde plus serein et plus fraternel » (p. 364). Visant un large public, cette dynamique synthèse de Christian Defebvre et Othmane Iquioussen est écrite dans un langage accessible tout en étant précise et bien documentée (renvois bibliographiques), de façon claire, positive, et incitative à l’égard de ceux qui veulent préciser divers points de théologie et d’histoire.


Père Pierre Fournier
diocèse de Gap et d'Embrun
1948 - 2021

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