Étienne Grieu [sj], Les jésuites et les pauvres : xvie – xxi e siècles, Paris : Éditions jésuites, 2020, 174 p., 14 €.
Oui, les jésuites ont bien une « option préférentielle » pour les pauvres. Ce livre veut (p 12) s’éloigner des clichés d’une Compagnie de Jésus s’adressant prioritairement aux milieux privilégiés. L’ouvrage cite le père Arturo Sosa : « faire route avec les pauvres et les exclus de notre monde ainsi qu’avec les personnes blessées dans leur dignité, en promouvant une mission de réconciliation et de justice ». Il se fonde sur des exemples d’œuvres, du travail de jésuites. Ainsi, (p 78-86) Friedrich Spee (1591-1635) a défendu les sorcières car il était convaincu « que certaines d’entre elles [étaient] innocentes ». Pour sa démonstration, le père Étienne Grieu s’appuie sur la spiritualité propre à la Compagnie de jésus et particulièrement sur les exercices spirituels (p 35-42 ; 94-95).
L’auteur rappelle (p 22) que la « présence aux malades et aux personnes totalement démunies fait partie de l’apostolat des premiers compagnons ». Il présente aussi la réprobation de l’esclavage à travers celui des Noirs asservis en Amérique (p 53-57) et les « réductions » du Paraguay auprès des Guaranis sur un modèle franciscain (p 63-70), « nouvelle sociabilité […] fortement imprégnée de la foi chrétienne ». La viabilité d’un projet qui se délite lorsque les jésuites quittent les « réductions » en 1767 interroge bien sûr.
Le père Étienne Grieu montre comment les limites d’un « apostolat social » (p 119-130) sont dépassées (p 129) à travers la figure du saint père jésuite Alberto Hurtado (1901-1952). En effet, il souligne la nécessaire justice, par exemple avec le salaire rémunérant véritablement le travail des ouvriers au-delà même des œuvres de charité secourant le plus pauvre (et aussi p 133-137).
Les pages 157-163 sont consacrées à des exemples à travers le monde de l’implication de la Compagnie de Jésus parmi les pauvres. Ce livre rappelle ainsi que le père Matteo Liberatore (1810-1892) est l’un des inspirateurs de l’encyclique de Léon XIII, Rerum Novarum (1891) qui pose les bases de la doctrine sociale de l’Église.
Luc-André Biarnais archiviste du diocèse de Gap et d'Embrun