En juillet 1904, la rupture est consommée entre la diplomatie française et celle de Rome. L’ambassadeur français, Armand Nisans, est rappelé à Paris. Cependant, dès 1906 et au lendemain du vote de la loi de séparation, l’ambassadeur français auprès du gouvernement ottoman, Ernest Constans, souligne la nécessité de relations diplomatiques avec le Saint-Siège pour l’exercice du protectorat français sur les chrétiens d’Orient.
Durant la Première Guerre mondiale l’évêque de Gap, Mgr Gabriel de Llobet (1915-1924), fut l’un des aumôniers militaires officieux. Dans le diocèse est constitué un « état des biens dont le diocèse a été privé ». Il complète les notes de 1904-1906 dressées par chaque curé sur les biens immobiliers et financiers des paroisses. La question matérielle est essentielle pour les évêques. Ses archives et la Quinzaine religieuse du diocèse de Gap montrent bien l’importance pour Mgr de Llobet de ces relations diplomatiques.
Une mission en Orient
Sous la direction du cardinal Louis-Ernest Dubois, Mgr Georges Grente, évêque du Mans, et Mgr de Llobet participent à une mission au Levant et dans les Balkans, envoyée par le gouvernement français de décembre 1919 à mars 1920, « pour y consolider notre prestige et affirmer nos droits ». L’État du Grand Liban est proclamé en septembre 1920.
À son retour, Mgr de Llobet donne de nombreuses conférences (Lyon, Nancy, Metz, par exemple) comme en rend compte la Quinzaine religieuse, le 10 mars 1921 notamment. Déjà le 13 janvier 1921, le bulletin officiel du diocèse avait publié un article signé par Mgr de Llobet décrivant l’arrivée sur le siège épiscopal de Paris du cardinal Dubois, « alors que se décide devant nos assemblées parlementaires, la reprise des relations avec le Vatican ». L’article rappelle la remise de la Légion d’honneur au cardinal Dubois après la mission en Orient : « M. le Président Deschanel avait tenu à épingler lui-même sur la soutane rouge la croix de la Légion d’honneur ». Comme un écho à cette distinction, le bulletin diocésain évoque aussi en septembre 1921 celle, pontificale, de commandeurs avec plaque de Saint-Grégoire-le-Grand aux généraux français Garnier-Duplessix et Dufleux « motivées par les services rendus, par ces généraux, à la religion catholique en Orient ».
Une réconciliation ?
La Quinzaine religieuse du diocèse de Gap annonce la reprise des relations diplomatiques du 17 mai dans son édition du 26 mai 1921 : « c’est après 16 ans d’interruption, un événement que les catholiques de France saluent avec joie ».
Le dimanche 29 mai 1921, lors du sacre de Mgr Paul Rémond comme aumônier général de l’Armée du Rhin, « fut une journée historique où l’on vit, même en temps de séparation, l’Église et l’État s’unissant pour le plus grand bien du catholicisme et de la patrie. Une pareille journée prouve vraiment qu’il y a quelque chose de changé chez nous » dit la Quinzaine religieuse (n° 131, 9 juin 1921).
Pour Mgr de Llobet, le maintien de la séparation de 1905 vient ternir la joie de la reprise des relations diplomatiques. À ses yeux, les enjeux sont plutôt nationaux et ecclésiaux, alors que le diocèse de Gap s’engage dans un synode célébré en septembre.
Si la reprise des relations diplomatiques avec Rome, vue de France, prend un tour exceptionnel, elle est aussi à inscrire dans un contexte plus large. En effet, la Quinzaine religieuse du diocèse du 8 décembre 1921 rapporte les propos du pape Benoît XV au cours d’un consistoire sur « la réorganisation des rapports entre l’Église et la société civile » en Europe. Le Souverain pontife souligne la recomposition des États et la nécessité de nouvelles négociations diplomatiques alors que « presque toutes les nations, celles d’Europe surtout, continuent à être déchirées par des dissentiments ».
Luc-André Biarnais archiviste du diocèse de Gap et d'Embrun