Les premiers chrétiens en roman

Pierre-Yves Ghestem, Amoureuse d’un Nazaréen, Paris : Sydney Laurent, 2019, 200 p, 18,90 €.  

     
Chef de service ORL à Armentières, le docteur Pierre-Yves Ghestem est aussi écrivain du monde biblique. Il a déjà publié la pièce de théâtre Rencontres sur un chemin de Croix. La destinée de Judas (Éd. Saint-Honoré, 2018), où la Passion du Christ est racontée par ses acteurs de façon très concrète. Ici, dans ce roman historique l’Amoureuse d’un Nazaréen, l’auteur écrit avec la même précision concernant les personnages, les sites, et les événements quand, par exemple, il situe la ville de Jérusalem et le Temple, Hérode le Grand et les Asmonéens dans leurs généalogies respectives, et, en ses « illustrations » la carte de la Terre Sainte au temps d’Hérode et d’utiles arbres généalogiques (p. 191-194).


Un ami d’enfance de l’historien Flavius Josèphe (37-100 après Jésus-Christ) fait le récit de son itinéraire spirituel, de sa quête de Dieu. Du fait de son amitié avec cet ami romain juif d’origine judéenne, Yossi est d’abord plongé dans l’ambiance de familles sacerdotales. Il va aussi entendre parler de Jésus de Nazareth, le prophète Ieschouah (p. 13). Celui-ci apparaît dans son contexte socio-religieux. Et Yossi va cheminer, avec des « exigences élevées » (p. 55), par rapport aux lignées sacerdotales (p. 11), ainsi que par rapport aux courants des sadducéens et des minutieux pharisiens, au mouvement des esséniens, au messianisme du Messie humble et souffrant (p. 57), au messianisme royal avec la puissance du pouvoir sur le peuple… Il est également confronté à l’option des mouvements zélotes préconisant la force et la violence pour libérer le peuple de l’occupation romaine. Il va connaître, en 66, la fuite de la communauté chrétienne vers Pella, et les guerres en Galilée, en Pérée, en Judée, et finalement le siège de Jérusalem même.


Au début, à partir de Jérusalem, la « cité de Dieu », la question théologique du « plan de Dieu » sur l’histoire biblique est soulevée concernant Hérode (chap. 1-3). En finale resurgit l’interrogation sur le plan de Dieu dans la mesure où Vespasien et Titus auraient voulu éviter la destruction de Jérusalem (p. 185). La question du salut est également posée, quand les premiers chrétiens s’interrogent sur Ieschouah de Nazareth comme celui qui « rachète le péché d’Adam et Ève, qui aurait amené la mort à leurs descendants, et aussi une inclination au péché » (p. 57). Demandant le secret, la jeune chrétienne Martha, nièce de Jean, Youhanan, qui a reçu la révélation de l’Apocalypse, emmène Yossi à une assemblée de prière (p. 89). Yossi reçoit ainsi l’enseignement de Youhanan sur le Christ ressuscité, Seigneur de l’histoire. Puis, il est fasciné de voir, de la Passion de Ieschouah, sa tunique sans couture, la coupe qui aurait contenu son sang, et le linceul (p. 109). Il fait là une intense expérience spirituelle qui le plonge en lui-même. C’est l’appel saisissant de l’« agapê », cet « amour-don de soi et d’acceptation de l’autre » (p. 110). Le roman s’achève sur une fervente profession de foi, très ouverte, avec le psaume 136 : « Si je t’oublie, Jérusalem, que ma main droite se paralyse ! »


La bibliographie montre le travail de recherche approfondie que Pierre-Yves Ghestem a conduite dans les ouvrages d’exégèse (Jean Carmignac, René Laurentin, Claude Tresmontant…), d’histoire des débuts du christianisme (Flavius Josèphe, Suétone, Eusèbe de Césarée, Tertullien, Félix-Marie Abel, Jean Daniélou, Françoise Breynaert…), et notamment sur la Passion du Christ (Jean-Maurice Clercq, Dominique Daguet…).

Le lecteur de ce roman historique est amené à redécouvrir les racines juives du christianisme, avec la période des jeunes communautés chrétiennes. Il pourra se passionner pour cette période de persécutions des premiers chrétiens éclairés par l’Apocalypse de saint Jean. Avec un réel talent de narrateur et d’historien, Pierre-Yves Ghestem apporte ici une précieuse documentation, très étoffée, et il avive opportunément l’attention sur les débats des juifs et des disciples du Nazaréen au début de l’ère chrétienne.


Père Pierre Fournier
diocèse de Gap et d'Embrun
1948 - 2021

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