Acta aquensis sedis : bulletin de la chancellerie de l’archevêché d’Aix-en-Provence, « Saint Césaire d’Arles, Docteur de l’Église ? », n° 6, septembre 2018, 12 pages. Édition numérique.
Le bulletin de la chancellerie du diocèse d’Aix et Arles publie un numéro sur saint Césaire, évêque d’Arles de 503 à 542. Son diocèse souhaite qu’il soit proclamé docteur de l’Église. La page 2 de ce document présente une rapide bibliographie et une chronologie très claire. Césaire est né vers 470 à Chalon-sur-Saône où il est clerc vers 488. Il meurt en 542 ou, moins certainement, en 543. Aujourd’hui, il est célébré le 26 août comme évêque et, à Aix et Arles comme patron secondaire du diocèse (Ordo liturgique de la province de Marseille).
Marie-Josée Delage (p 3-5), l’un des auteurs de l’Histoire des saints et de la sainteté chrétienne, montre que l’est de la Gaule, des Vosges à la Durance, y compris Chalon-sur-Saône, est, jusqu’en 476, entre les mains des Burgondes qui professent le christianisme arien. Ils construisent alors un État territorial. Jean Guyon (dans « Les Églises à la conquête du territoire, IIIe-VIe siècles » in Cathédrales de Provence, Strasbourg : La Nuée bleue, 2015, 610 p. Ici p 28-31) découpe la période en plusieurs phases de gouvernement du territoire, d’abord par les Wisigoths à partir de 476, puis les Ostrogoths et enfin la royauté franque à partir de 536-537.
Dès 490, Césaire est moine à l’abbaye de Lérins et s’imprègne des écrits de saint Augustin. Il est prêtre en 499, toujours à Lérins, des mains de l’évêque d’Arles, Éone. Celui-ci, « avant de mourir trois ans plus tard, […] recommande qu’on choisisse Césaire pour lui succéder. Le voici arraché de nouveau et définitivement cette fois, à la vie monastique. Consacré évêque métropolitain en 503, Césaire est désormais un personnage officiel qui doit compter avec le clergé, la population du diocèse et le gouvernement soupçonneux des occupants ».
L’expression de la charité de l’Église
L’auteur place « saint Césaire dans son temps » mais aussi dans une conception de l’épiscopat que d’autres prélats, aujourd’hui encore, peuvent vivre : « or, servir les hommes, cela signifiait ouvrir les portes de son église et de sa cité à ceux que guerres et désastres avaient jetés nus sur les routes, négocier la libération des prisonniers – parfois celle des habitants d’une ville entière ». Ainsi, les opposants parmi le clergé dénoncent Césaire en 508 quand il fait nourrir les prisonniers des Ostrogoths avec le pain de l’Église. En effet, (p 4) « non content de nourrir ces païens et ces hérétiques, ennemis du pays, au risque de condamner les siens à mourir de faim, Césaire dépouille son église pour payer leur rançon » afin d’en éviter la mise en esclavage et « fait vendre tous les objets précieux, les ornements d’argent et ‘jusqu’aux vases sacrés du temple pour le rachat du vrai temple’ tout cela, on l’imagine, au grand scandale des biens pensants ».
(p 3) « Quant à l’attitude de l’évêque face au pouvoir, elle restera toute sa vie respectueuse mais distante, même après 536 sous des rois francs devenus catholiques ». Il faut noter, selon Odette Pontal (Histoire des conciles mérovingiens, Le Cerf, 1989, 432 p. Ici p 75-76), que Césaire attend 524 et le reflux wisigoth face aux Ostrogoths pour réunir un concile provincial.
Pastorale diocésaine et conciles provinciaux
D’un point de vue pastoral, Césaire s’adapte aux circonstances : (p 3) « Il décida de parler à cette génération nouvelle un langage nouveau, son propre langage. Les hommes de son temps ne s’y sont pas trompés ; ils ont répandu ses sermons dans l’Europe entière ; et leurs descendants les ont réutilisés pendant des siècles ». Des miracles (p 4) lui sont attribués, notamment la guérison d’une femme à Cistariana. Il attaque « les coutumes les mieux établies, comme les beuveries, la liberté sexuelle des jeunes hommes et le concubinage ». Il visite « les paroisses de son diocèse, un des plus vastes du sud-est de la Gaule » […] « de la Camargue au Var, de la Durance à la Méditerranée ».
Il insiste sur les homélies pour lesquelles « il s’engagea à ne pas parler plus de dix à quinze minutes maximum ». À cette époque (p 5) prêcher est réservé aux évêques. Son œuvre (p 5) est constituée de sermons, qui ont été attribués parfois à d’autres pères de l’Église dans les siècles qui suivirent. Dom Germain Morin, de l’abbaye de Maredsous, en restitue 238 ce qui est confirmé (p 9) par le père Dominique Bertrand, sj, (« Pour une théologie du bonheur et de la gloire », traduction d’un article paru dans la Civitta cattolica, mars 2018, p 5-10) : « Dom Germain Morin, moine de Maredsous, rassembleur de 1898 à sa mort, en 1946, de deux-cent-trente-huit sermons de Césaire ».
En 529, Césaire fait reconnaître par le concile de Vaison le droit de prêcher pour les prêtres et pour les diacres « de lire aux fidèles une homélie des pères ». Ce même concile décide la formation des jeunes lecteurs qui peuvent ensuite choisir entre le mariage et l’entrée dans les ordres. Cela est qualifié par un raccourci un peu rapide d’ « acte de naissance des écoles paroissiales et des futurs séminaires ». De son côté, « Henri-Irénée Marrou la saluait-elle, avec son humour coutumier, comme une sorte d’acte de naissance de nos écoles communales » (Jean Guyon, op. cit.,p 31). Les évêques siégeant à Gap et à Embrun sont présents, ou du moins représentés, à ce concile (Odette Pontal, op. cit.,p 83). Cela signifie qu’alors Embrun n’est pas métropole.
En 527 (p 5), le concile de Carpentras reconnaît « l’autonomie financière des paroisses donnant ainsi plus d’autorité aux prêtres qui en ont la charge ». Selon Odette Pontal (p 81) l’évêque de Gap et son confrère d’Embrun sont présents à ce concile.
Au concile d’Orange II (p 5), en 529 également, le diocèse d’Embrun n’est pas représenté, contrairement à celui de Gap (Odette Pontal, op. cit., p 95). Le pape Boniface donne force de loi aux canons traitant de la prédestination. Selon le père Dominique Bertrand, les sursauts de la question de la prédestination, « se manifestent sous les carolingiens à travers les thèses prédestinationnistes de Godescale d’Orbais (autour de 805-870), plus tard dans le protestantisme, puis le jansénisme avec en particulier […] la figure du croyant maladif que fut le génial Blaise Pascal ». Le père Dominique Bertrand met en lumière une « tradition gallo-romaine » avec les figures d’Hilaire de Poitiers (315-367) et Césaire d’Arles (470-542 ou 543) s’enracinant dans l’œuvre d’Irénée de Lyon (130-200 soit trois siècles avant Césaire). (p 9) Selon le concile d’Orange II « il y a une prédestination pour le bien selon tout le projet salvifique de Dieu pour l’homme ». Pour le frère Benoît-Dominique de la Soujeole, o.p., dont l’article est intitulé « Le concile d’Orange II », p 11-12, celui-ci vient en opposition au concile de Valence (528) qui a défendu le semi-pélagianisme. Avec les papes successifs Félix IV et Boniface II, Césaire établit une nouvelle position de l’Église avec le second concile d’Orange.
Le père Dominique Bertrand conclut ainsi son article : (p 10) « Les pères, dans nos combats et nos victoires, ne sont que des frères mais de vrais frères […] avec eux, nous reprenons en Dieu la sagesse et le courage nécessaires en cette tâche de salut mondial. Avec eux, nous pouvons retrouver dans la Trinité, amie première de l’homme, le réalisme d’une ambition divine pour cet homme même : sa gloire, sa filiation, son unique prédestination pour le bien ».
Le père Hervé Chiaverini, dans « Autour du culte liturgique » répond avec clarté (p 10) à « qu’est-ce qu’un saint ? » en en développant les cinq significations. Il explique aussi précisément ce que sont les pères de l’Église et le martyrologe romain. Il souligne que « le concile Vatican II (1962-65) demanda que la prière du peuple chrétien s’appuie en matière de vie des saints sur la vérité historique ». L’auteur souligne enfin l’apport des archives diocésaines d’Aix, en raison des dossiers constitués aux XIXe – XXe siècles pour une proclamation de saint Césaire comme docteur de l’Église.
Vous trouverez ici les ouvrages sur Césaire d’Arles disponibles à la médiathèque Mgr Depéry.
Vous pouvez lire également Andreas Hartmann-Virnich et Marc Heijmans, « Arles, Saint-Étienne et Saint-Trophime, » in Cathédrales de Provence, Strasbourg : La Nuée Bleue, 2015, p 199-227.
Luc-André Biarnais archiviste du diocèse de Gap et d'Embrun