Les papes, l’Église et l’islam

‌Michel Lelong, l’Église catholique et l’islam. L’enseignement des papes.  Paris : Éditions Érick Bonnier, 2016, 147 p., 15 €. 

Le père Michel Lelong est décédé à 95 ans, le 10 avril 2020, à Paris, au terme d’une vie entièrement consacrée au dialogue islamo-chrétien. En hommage, nous choisissons son avant-dernier livre, significatif de son travail sur plus d’un demi-siècle de rencontres entre chrétiens et musulmans en référence à l’enseignement des papes.
Prêtre de la Société des missions africaines, Michel Lelong est bien connu pour les responsabilités qu’il a assumées dans l’enseignement en Afrique du Nord, en Tunisie, et à Paris à l’Institut de Sciences et de Théologie des Religions (ISTR), et comme premier responsable du Service national des évêques de France pour les relations avec l’islam (SRI) créé en 1974. Le père Lelong est également connu comme initiateur des Groupes d’amitié islamo-chrétienne (GAIC) et pour ses précédents ouvrages (plus de vingt), qui ont été largement diffusés à propos de la foi chrétienne en relation avec l’islam, par exemple : J’ai rencontré l’islam (1976), Deux fidélités, une espérance (1979), De la prière du Christ [le Notre Père] au message du Coran (1991), ou Du souvenir à l’espérance (2015).

Dans son enseignement comme dans sa pratique du dialogue interreligieux, l’auteur a toujours eu l’attention tournée vers l’expression du magistère en soulignant, dans ces ouvrages, ses approfondissements successifs : L’Église nous parle de l’Islam : du Concile à Jean-Paul II (1984), L’Église catholique et l’Islam (1993), Jean-Paul II et l’Islam (2003), Les Papes et l’Islam (2009). Ici, le père Lelong signe son dernier ouvrage avant son livre-testament : Les nécessaires dialogues (L’Harmattan, 2019, 94 p.), un vigoureux appel à dépasser les difficultés. Dans L’Église catholique et l’Islam : l’enseignement des papes, l’auteur présente d’abord, de façon assez développée, l’évolution des relations entre les chrétiens et les musulmans « de la chrétienté médiévale au Concile Vatican II », ces relations allant de la violence (croisades) aux apaisements (lier foi et raison), des relations « souvent plus conflictuelles que fraternelles » (p. 9). L’auteur ne manque pas de rappeler « l’exemple le plus remarquable de dialogue interreligieux : la rencontre entre saint François d’Assise et le sultan Malik Al-Kamil d’Egypte », en 1219 (p. 25). Puis l’enseignement des quatre derniers papes. Bien sûr, l’enseignement de ces papes a dépendu de la durée de leurs pontificats et de leurs déplacements avec leurs discours en pays à majorité musulmane. L’analyse de l’enseignement de Paul VI est traitée en 17 pages (voir son importante encyclique Ecclesiam suam) ; pour Jean-Paul II en 46 pages, pour Benoît XVI en 35, et pour le pape François en 9 pages. Celui-ci insiste sur la relation au Dieu unique le « miséricordieux ».

L’auteur note le rôle toujours déterminant de l’estime mutuelle et de l’amitié : François d’Assise et le sultan, le cardinal Lavigerie et l’émir Abdelkader, Paul VI et son collaborateur arabe syrien melkite le père François Abou Moukh, et lui-même avec Tarek Mitri. Concluant ce livre avec le pape François, rappelant la portée de son nom en lien avec le saint d’Assise « frère universel », Michel Lelong regrette à la fois les formes de laïcité touchant à l’ « intégrisme laïque » et l’ignorance de certains chrétiens sur l’enseignement des papes concernant les relations interreligieuses. Il invite à « voir le présent sans préjugés pour préparer avec espoir l’avenir ».

Une utile et abondante bibliographie figure en bas des pages. Ce livre, très accessible, entend montrer de façon éclairante « l’évolution de la pensée théologique avant, pendant et après Vatican II » chez Benoît XVI lui-même (p. 103) sur le dialogue islamo-chrétien, comme pour ses prédécesseurs. De plus, Michel Lelong encourage à travailler sur les recherches des universitaires et penseurs musulmans (p. 115) comme lui-même l’a fait en continu et pour la rédaction de plusieurs de ses publications (avec Sahar Moharram…). Ce livre constitue ainsi une très bonne synthèse et un regard suggestif sur l’évolution des relations entre chrétiens et musulmans depuis l’événement de la déclaration Nostra Aetate de Vatican II en 1975, et de son orientation d’ « estime envers nos frères croyants musulmans ». L’auteur tient à témoigner : « De nos jours, dans toutes les régions du monde, de plus en plus nombreux sont les chrétiens et les musulmans qui travaillent ensemble pour la justice et la paix en se confiant à Dieu » (p. 9 et 143).


Père Pierre Fournier
diocèse de Gap et d'Embrun
1948 - 2021

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