La Première Guerre mondiale et les revues professionnelles de l’Église

Bulletin de l’ABCF : Regards sur la Grande Guerre dans les collections de bibliothèques et d’archives, n° 159, 1er semestre 2018, 43 p.

Quel rôle pour les revues de l’Église ?

Nous avons déjà évoqué ici le Bulletin de l’Association des bibliothèques chrétiennes de France lors de la publication de son précédent numéro. Pour cette nouvelle livraison, un dossier est consacré aux « Regards sur la Grande Guerre dans les collections de bibliothèques et d’archives » ecclésiastiques, « exploitant aussi bien les fonds de nos bibliothèques que des archives inédites ». Peut-être le pendant d’un tel numéro pourrait-il être un travail sur des sources déjà exploitées et auxquelles les chercheurs se référeraient ? Le rôle des revues professionnelles de l’Église n’est-il pas de faire connaître ces contributions ?

Cela permettrait de mettre en perspective l’historiographie des vingt dernières années et d’établir des hypothèses de travail. Prenons ici un exemple, parmi d’autres : dans Archives de l’Église de France (n° 74, 2e semestre 2010, p 18-27), sœur Christiane-Marie Descombes, archiviste des sœurs de la Charité de Besançon, a publié une « synthèse de l’enquête sur le retour des Religieux en 14-18 ». Ce recensement des sources pouvait appeler ici une réflexion sur l’enrichissement bibliographique des instituts religieux en France, par exemple.

L’Association des bibliothèques chrétiennes de France et la Première Guerre mondiale

Le dossier du présent numéro du bulletin de l’ABCF commence par un article de Pascal Boniface. Il évoque « le vecteur du livre » dans « la dimension religieuse de la Première Guerre mondiale » (p 6-17). Le père Daniel Moulinet, professeur à l’université catholique de Lyon et membre du laboratoire de recherche historique Rhône-Alpes, archiviste du diocèse de Moulins, revient sur son livre publié en 2014 : Prêtres soldats dans la Grande Guerre, les clercs bourbonnais sous les drapeaux (Presses universitaires de Rennes, 2014, 336 p). Les prêtres et séminaristes, « alors que la culture cléricale qu’ils ont reçue est à l’opposé des réalités du champ de bataille et fait d’eux des ‘hommes séparés’, […] nouent des relations de proximité avec leurs compagnons […] découvrent alors que ceux-ci ont une piété individuelle, disent des prières et chantent même des cantiques. Cependant la fréquentation de la messe est souvent extrêmement faible, hormis lors des célébrations ordonnées pour les morts des régiments » (p 19). Cela éclaire ce qui a pu être écrit d’une manière par trop abrupte dans le numéro de La Provence Histoire, La Provence au cœur de la Grande Guerre. Ces messes peuvent être célébrées dans « une église bombardée, un coin de tranchée, où le prêtre est presque seul, une chapelle en bois aménagée dans un lieu de cantonnement, ou l’infirmerie dans un abri souterrain » (p 20). Daniel Moulinet souligne que prêtres et séminaristes « ne sont pas exempts d’un passage par la nuit de la foi. Alors, la considération de leur néant et de la misère humaine les conduit à se fonder davantage sur Dieu et à dire leur espérance de la paix » (p 20). Dans son article « L’héroïsme en soutane pendant la Grande Guerre » (p 21-29), Ghislaine Cancé-Stolf fait référence par son titre à l’ouvrage éponyme de Guy Teramond daté de 1915. L’article évoque la figure de Mgr Emmanuel Martin de Gibergues, évêque de Valence et ses prières « pour notre chère France et pour tous nos chers soldats ». Le Dictionnaire des évêques de France au vingtième siècle dit quelle épreuve fut le conflit pour ce prélat.

L’article de Franck Beaupérin, « cinq objets au service de l’histoire : regards intimes sur la religion au temps de la Première Guerre mondiale » est emblématique de ce que nous avons écrit dans les deux premiers paragraphes de la présente recension. Une note infrapaginale précise que « toutes les illustrations de cet article et les objets qui s’y rapportent proviennent de la collection personnelle de l’auteur ». Celle-ci a probablement sa cohérence mais est-elle suffisante pour rendre compte de l’ensemble des objets vendéens de cette période, le diocèse de Luçon semblant être le champ d’étude de l’article ? Quelle articulation est-elle mise en œuvre avec les différents travaux du Centre vendéen de recherches historiques sur la Première Guerre mondiale ? Une même question peut porter sur les différentes publications de l’Institut catholique d’études supérieures de La Roche-sur-Yon où Franck Beaupérin a fait ses études, et même aux travaux d’étudiants : pensons au mémoire de maîtrise de Rodrigue Rambaud et à sa contribution intitulée « un bulletin paroissial vendéen durant la Grande Guerre » dans Les médias et la guerre (sous la direction d’Hervé Coutau-Bégarie, Economica, 2005, p 415-431).

Sophie Milard, « bibliothécaire, en charge des archives historiques » du diocèse de Perpignan conclut ces textes sur le premier conflit mondial par une étude de l’action de Mgr Jules de Carsalade (p 37-40) dont le sous-titre « comment un évêque catalaniste participe à l’effort national durant la Grande Guerre » renvoie implicitement à la notice concernant cet évêque dans le Dictionnaire des évêques de France au vingtième siècle (p 124-125) sous la plume de Séverine Blenner-Michel qui écrit qu’ « il avait été décoré de la Légion d’honneur en 1923 pour son œuvre patriotique […] ». L’article de Sophie Milard évoque brièvement Mgr Gabriel de Llobet, évêque de Gap de 1915 à 1924 puis à Avignon.

Luc-André Biarnais
archiviste du diocèse de Gap et d'Embrun

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